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⚙️ Transformer son entreprise : 4 philosophies de la transformation

  • Photo du rédacteur: philotrek
    philotrek
  • 26 nov.
  • 12 min de lecture
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⏩ Les transformations s’accélèrent dans tous les domaines (écologique, économique,politique, social, familial). Chaque entreprise est incitée à se transformer elle-même pour survivre dans ce mouvement accéléré.


Inutile donc de démontrer l’importance d’une réflexion sur le changement pour toute entreprise qui prend au sérieux son existence et son action.


💡Voici un panorama de 4 façons d’envisager le changement en philosophie et de leurs implications pratiques.


Certaines d’entre elles se contredisent sous certains rapports. L’objet de cette réflexion n’est pas de résoudre ces contradictions(ce qu’il faudrait pourtant faire), mais de tirer de ces regards des enseignements utiles. Nous suivrons en cela le principe aristotélicien selon lequel « nul ne peut manquer tout à fait la vérité », ce qui signifie qu’il est impossible qu’une affirmation de quelqu’un qui cherche honnêtement la vérité soit intégralement fausse, et qu’en tout cas il y a toujours quelque chose à tirer, même de l’erreur.


🔎 Les 4 façons d’envisager le changement que nous allons résumer sont les suivantes :


🔧 Hobbes et le principe d’inertie

🔧 Hegel et la dialectique créatrice

🔧 Marx et la révolution

🔧 Aristote et l’accomplissement des choses


🔧 Hobbes et le principe d’inertie :


Tout le monde se souvient de ce principe indispensable en sciences physiques, « Tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement infini uniforme en ligne droite, à moins qu'il ne soit contraint, par des forces s'imprimant sur lui, à changer cet état ». C’est un principe inventé par Galilée, généralisé par Descartes et Newton, qui permet d’appréhender les mouvements des corps, simples ou complexes, avec une merveilleuse efficacité : on peut les modéliser géométriquement, les nombrer algébriquement, calculer leur trajectoire, leur vitesse et leur force, anticiper la suite de leur course et inventer des façons d’en modifier le cours


Hobbes traduit ce principe dans le domaine de l’action individuelle et collective : la vie, c’est le mouvement spontané de l’individu, dont la trajectoire est donnée par le désir, qui par soi est infini. La mort, qui vient de l’extérieur de mon désir, c’est la fin du mouvement et donc la fin du désir. L’Homme, parce qu’il est doté d’une rationalité, peut optimiser ce mouvement, et il le doit car il est entouré d’individus qui poursuivent les objets de désir dans un contexte de rareté et avec des moyens rationnels similaires. La rationalité permet à l’individu de se comparer aux autres, qui sont des concurrents, et de calculer l’action qui donnera à son mouvement le plus de potentiel. La constitution des collectifs est un des fruits de ce calcul, et les collectifs suivent les mêmes lois : chaque action doit permettre d’adapter son mouvement aux situations nouvelles, de façon à en garantir le déploiement


📚Avec cette philosophie en tête, on peut définir la conduite du changement comme une entreprise de modification du mouvement dans un corps économique complexe pour adapter le mouvement du corps entier aux nouveaux facteurs externes (concurrence, conjoncture économique, réglementations, évolution du marché cible…) auxquels il est confronté, afin de lui garantir son mouvement vital par la croissance indéfinie (car infinie).


❤️ Les avantages de ce regard sur le changement pour l’entreprise :


👉Modélisation facile des changements à introduire dans une organisation pour plus d’efficacité.

👉Efficacité facilement vérifiable, mesurable par exemple en ROI.


💔Les inconvénients :


👉L’abstraction est telle qu’elle rend difficile la prise en compte de l’impact des changements sur les personnes humaines qui composent le collectif de l’entreprise. 

👉Ces personnes peuvent être réduites, suivant la logique de cette abstraction, au statut de freins au mouvement du corps global qu’est l’entreprise. 

De fait, une personne peut être un frein pour une organisation, mais il faut entrer dans des considérations plus approfondies pour se demander si les changements imaginés pour l’organisation doivent être considérés comme prioritaires ou non sur le bien-être des personnes concernées, et s’il y a ou non des façons de surmonter la difficulté pour l’intérêt du collectif et de la personne.



🔧 Hegel : le changement est une dialectique conduisant à une perfection plus grande.


Pour expliquer la façon dont Hegel conçoit le changement, le plus simple est de reprendre la citation évangélique qu’il utilise pour l’illustrer : « si le grain de blé ne meurt pas, il ne germera pas ». Le grain de blé n’est pas encore un brin de blé, c’est donc du non-blé. Pour qu’il devienne du blé, c’est-à-dire pour qu’il se perfectionne, il faut que le grain de blé se nie lui-même, devenant ainsi du « non-non-blé ». Ainsi, on se rend compte que toute entité qui veut se perfectionner doit passer par sa négation.

Il faut que l’enfant disparaisse pour laisser place à l’adulte. Il faut que les individus se nient dans le collectif pour faire advenir plus grand que soi par le collectif. Il faut que les collectifs se nient dans une totalité universelle pour faire advenir plus grand qu’eux.

Le  changement passe nécessairement, soit par une forme de révolution, soit, si le changement n’a pas besoin d’être radical dans l’entité, par la disruption, car le changement consiste nécessairement dans la rencontre - et même le choc - entre des réalités contradictoires, et donc entre des antagonismes. Le changement nécessite de faire table rase de ce qui existait auparavant, autant que possible (mais pas plus que nécessaire), pour faire advenir à partir de là quelque chose de nouveau : la création y a une grande part. C’est donc la création qui est mise en avant dans cette perspective. C’est ce qui justifie l’aspect forcément violent, abrupt du changement.


📚Avec cette philosophie en tête, on peut définir la conduite du changement comme un effort constant pour transformer en profondeur les dynamiques d’une entreprise, en supprimant ce qui ne convient plus en elles, et en créant à partir de là quelque chose de nouveau, afin de la rendre meilleure (au sens de la performance comme au sens de ce qu’elle accomplit sur le marché (sa VP), et plus largement dans la société). 


Par exemple :


  • Certaines entreprises de l’industrie automobile, lorsqu’elles se considèrent elles-mêmes comme polluantes et problématiques dans le contexte de la crise écologique, s’appliquent à chercher des moyens de transformer leur organisation pour adopter une nouvelle façon de motoriser les véhicules qu’ils proposent sur le marché et continuer de croître avec un modèle plus sain.

  • Don Corleone, dans les films Le Parrain 2 et 3, tente de faire de la société mafieuse dont il est la tête une société commerciale honnête et philanthropique, en la détruisant en tant que mafia (sans succès il est vrai) pour en faire un empire immobilier.


Concrètement, dans une entreprise, cela peut passer par :


  • Une identification des éléments (services, logiciels, personnes, produits…) qui ne fonctionnent pas bien et des raisons pour lesquelles ça ne fonctionne pas bien

  • Une identification des qualités objectives que possèdent néanmoins ces éléments

  • La réorientation et le réordonnancement de tous ces éléments pour faire quelque chose de radicalement nouveau, de meilleur, en utilisant les énergies au service d’une perfection renouvelée.


Cette façon de concevoir le changement demande une perception qualitative, soit des éléments qui devront être niés, ce qui donnera par contraste une idée de la perfection visée, soit directement de la perfection visée. 


Un changement digne de ce nom doit passer par l’inversion des rapports existants et son corrélat : le sens du sacrifice et le goût pour la combativité des membres du collectif, car pour peu qu’ils soient attachés aux conditions originelles de leur travail, ce changement sera toujours un arrachement.


Dans tous les cas, les personnes touchées devront avoir le sens du progrès et du sacrifice de soi qu’il implique.


❤️ Les avantages de ce regard sur le changement pour l’entreprise :


👉Il fait la part belle à la créativité et ne s'embarrasse pas du statu quo.

👉Il implique davantage les personnes parce qu’il requiert de leur part un engagement très fort.

👉 Il confère à l’entreprise une conscience très forte de sa raison d’être, favorise la fidélisation des collaborateurs engagés, offre des dispositions à la stabilité, à la résilience pour une durabilité renouvelée.

👉Il donne un sens à la pénibilité inhérente à tout changement, ce qui permet de la surmonter plus facilement.


💔Les inconvénients :


👉Cette façon de voir le changement est difficile à appliquer parce que l’engagement des personnes est difficile à obtenir.

👉L’engagement est une disposition très vertueuse des membres d’une organisation, qui mérite d’être promue parce qu’elle est potentiellement bénéfique aux personnes comme à l’organisation, mais pour laquelle il reste nécessaire de fixer des limites (risques de burn out, risque que l’entreprise ne puisse pas tenir ses promesses et licencie même les plus engagés, ce qui ne peut que représenter une grande violence pour eux…).

👉Il y a un risque que l’importance des personnes soit excessivement diminuée par rapport à celle du collectif dans les prises de décision, car ce sont celles qui consentent à se sacrifier qui sont les plus valorisées.


🔧 Marx : Tout changement digne de ce nom est une révolution.


Marx s’appuie sur la même compréhension du changement que Hegel : Le changement, ou le progrès, est une lutte entre des contradictoires, conduisant à l’inclusion par leur négation mutuelle. Tout changement est une révolution

La différence, c’est qu’il explique qu’on peut constater dans l’histoire des moments de blocage, parce que la force dominante, en lutte avec son contradictoire dominé, fait en sorte que le changement n’advienne pas. La classe dominante a intérêt à ce que le statu quo demeure pour conserver son statut de dominant.

Il faut donc forcer le mouvement de l’histoire en luttant contre tout type de classe dominante. Les différences et disparités des différents moments de l’histoire de l’entité seront incluses à la fin de la révolution : le terme final du changement comprend tout ce qui précède. 


Conséquences :


  • Il faut identifier, être attentif, faire la chasse aux inégalités pour identifier les dominants.

  • Donc on fait la chasse à la moindre différence, qui est suspecte d’être une inégalité, dûe un rapport de domination

  • À partir de là, il faut mettre en place les pressions nécessaires pour que les dominants renoncent à leur pouvoir de domination

  • En attendant la révolution, il faut redistribuer pour compenser les inégalités.


❤️ Les avantages de ce regard sur le changement pour l’entreprise :


👉Lucidité sur les jeux de pouvoir en entreprise et les inconvénients du salariat.

👉Attention renforcée à la justice sociale.

👉Volonté de faire sortir les salariés de leur dépendance vis-à-vis de la hiérarchie.

👉Effort de lutte contre les injustices.


💔Les inconvénients :


👉Dans un fonctionnement économique capitaliste, le capital étant perçu comme un outil de domination sur les salariés, cette dynamique a de fait (à tord ?) peu de place dans la logique de l'organisation, sauf dans les syndicats.

👉Avec ce regard, on préfère la division à la paix, dont on soupçonne qu’elle cache un statu quo.

👉Cette approche sert généralement plus de garde-fou pour éviter la casse sociale que de moteur dans une transformation qui doit renforcer l’entreprise. Ce qui peut être perçu comme nécessaire mais non suffisant.

👉Ce regard est soupçonneux sur la moindre différence, qui est suspecte d’être une inégalité, car un rapport de domination. Il pense qu'il faut abolir toutes les différences pour atteindre la justice, mais la justice peut parfois consister à mettre en avant les différences.



🔧 Aristote : le changement, c’est l’« acte de ce qui est en puissance en tant qu’il est en puissance ». 


👀 Cette définition est complexe, mais en faisant l’effort nécessaire de compréhension, on découvre des choses simples et efficientes.


📖 Avant tout, éclairons un peu le sens des mots :

  • Le mot “puissance” renvoie non pas à une force, mais à une potentialité, c’est-à-dire à quelque chose qui n’est pas encore réalisé mais qui pourrait l’être. Et cette potentialité a quelque chose de dynamique puisque c’est une potentialité qui tend plus ou moins à se réaliser. Par exemple, le grain de blé est un brin de blé en puissance.

  • Le mot “acte” renvoie aux actions, mais pas seulement. Il désigne une réalité qui n’a plus besoin de devenir puisqu’elle est. Par exemple, le brin de blé est un brin de blé en acte n’a plus en lui la puissance à devenir un brin de blé puisqu’il l’est déjà.


Une chose en puissance (ex. grain de blé, en puissance au brin de blé) devient rarement en acte ce qu’elle était en puissance (ex. brin de blé) de façon immédiate, il faut donc que la puissance soit activée pour qu’elle devienne progressivement en acte ce qu’elle était en puissance. Voilà pourquoi le mouvement est “acte de ce qui était en puissance en tant qu’il est en puissance”.


🔦 Pour que ce soit plus clair encore, partons d’un autre exemple :


🏔️ La première fois que Marc, actuellement guide de haute montagne, a grimpé un col, il n’avait pas les compétences requises : 

💪 Connaissance expérimentale de la façon dont il faut réagir en fonction de l’état du terrain.

💪 Dispositions corporelles pour réagir en cas d’incident (force, réflexes, dextérité, habileté à utiliser les outils de sécurité)

💪 Notions de psychologie pour accompagner des émotions fortes


🏔️Il n’était donc pas guide de haute montagne à ce moment-là. Désormais il l’est parce qu’il possède en acte ces compétences


🥾Pour que ce changement puisse advenir, il fallait que Marc existe (!) et qu’il présente des prédispositions à l’exercice de ces compétences : 

💪 Bonne constitution physique pour l’endurance et l'habileté

💪Capacité d’attention à l’environnement et aux personnes

💪 Bonne mémoire.


Autrement dit, pour que ce devenir advienne, il fallait :

➡️ Qu’il y ait un sujet ayant les puissances nécessaires (ici des prédispositions) à l'avènement de l’acte d’être un guide de haute montagne, c'est-à-dire à la possession des compétences requises

➡️ Qu’il y ait un moment on le sujet ne possède pas ces compétences

➡️ Que le sujet, à la fin du changement, ait acquis ces compétences.


Et le changement aura consisté pour Marc à progresser dans la maîtrise de la randonnée en haute montagne en pratiquant des ascensions d’une façon qui mobilise toutes les prédispositions requises (donc pas simplement de façon passive comme un touriste), pour les perfectionner et les faire parvenir au niveau de maitrise optimal. 


Voilà ce qu’est le changement : l’acte de ce qui est en puissance en tant qu’il est en puissance. Si l’on traduit cela avec notre exemple : la préparation de Marc consiste dans l’activité des prédispositions de Marc à devenir guide de randonnée, en tant qu’elles ne sont pas encore disposées de façon à ce qu’il puisse guider une randonnée.


Et voici quelles sont les leçons philosophiques que l’on peut tirer de cette définition : 


💡 On peut envisager un changement à réaliser dans une entreprise comme un perfectionnement, ce qui est mieux qu’une simple adaptation. 


🔎 Pour ça il faut :

⚙️ Identifier la finalité, le but du changement

⚙️ Identifier et choisir les moyens adaptés, c’est à dire ceux qui permettront la réalisation de la fin de la meilleure façon, conformément :

  • À la fin visée bien sûr, 

  • Mais aussi aux prédispositions de l’entreprise qui donnent aussi leurs critères aux actions commises en son sein : proposition de valeur de l’entreprise, valeurs de l’entreprise, attentes de la cible de l’entreprise, gouvernance, méthodes privilégiées par la culture d’entreprise

⚙️ Mettre en œuvre les moyens choisis (c’est ici que le changement commence).


⚠️ Les dispositions d’une entreprise ne sont pas nécessairement toutes adéquates, elles peuvent l'entraîner à des actions ou à des inactions qui lui nuisent. Certaines d’entre elles peuvent donc aussi faire l’objet d’un changement.

 

💡 Le véritable changement n’implique pas nécessairement la destruction, la révolution, l’inversion de ce qui existe, ou la violence car le véritable changement est plutôt l’aboutissement (relativement) facile et naturel d’une tendance, d’une inclination de la chose. 


🔎 Si la stratégie de changement suit ces conditions :


🎯Il est prévu de façon progressive car il est conçu comme le passage d’un contraire à un autre, en passant par chacun des intermédiaires qui les séparent 

🎯On fait dépendre sa durée et son rythme de la nature du sujet du mouvement et de la puissance qu’on veut actualiser (entreprise, entité dans une entreprise, etc.)

🎯On met en oeuvre les préparations qu’il peut nécessiter


Alors le changement est conçu et prévu comme l'accomplissement d’une potentialité de l’entité, et par conséquent :


🔥 Il est toujours possible à effectuer, il est naturel.

🔥 Il se fait relativement facilement, car sans aller contre les inclinations de l’entité : en ce sens, il n’est pas violent.

🔥 Il se fait méthodiquement et efficacement, par une série d’action posées dans un rythme adapté à la puissance qu’il actualise. 


⚠️ Même s’il n’est pas violent et n’est pas une révolution, tout mouvement naturel n’en est pas moins le passage d’un contraire à un autre : il y a donc toujours par définition une contrariété dans le changement et une potentielle douleur. Il nécessite d’accepter la disparition de quelque chose et l’apparition d’une nouvelle.


❤️ Les avantages de ce regard sur le changement pour l’entreprise :


👉Si l’on satisfait à toutes ses exigences, il donne une vision claire des actions à mener, avec très peu d’angles morts.

👉Il implique beaucoup les personnes puisqu’il incite à s’appuyer sur elles en tant que forces vives (puissances) de l’entreprise.

👉Il est très responsabilisant car ses acteurs sont très conscients de ce dont ils sont la cause et de des ressorts qui ont conduit à choisir une façon de faire plutôt qu’une autre.

👉Il est très adapté à des entreprises avec une culture d’entreprise forte qui soutient l’action du collectif (son application est d’ailleurs facilitée dans ce cas), puisque la culture d’entreprise donne en partage aux collaborateurs un certain nombre de dispositions à agir qui facilitent l’identification des moyens adaptés à un objectif donné.


💔Les inconvénients :


👉Il requiert beaucoup d’expérience de l’entreprise dans laquelle doit se dérouler le changement, puisqu’il n’est pas l’application d’un modèle.

👉Pour la même raison, à moins d’avoir à sa disposition des leaders qui ont très bien intériorisé la culture de l’entreprise, il peut être long et même parfois fastidieux à mettre en place.

👉Il tend plus à la conservation (préservation de ce qui précède) qu’à la création. Cependant il n’exclut pas la créativité.

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