Collectif : peut-on parler d'amitié en entreprise ?
- philotrek
- 27 nov.
- 5 min de lecture
“Mieux vaut une amitié fondée sur le business, qu’un business fondé sur l’amité”, disait David Rockfeller. A-t-on intérêt à développer des relations amicales en entreprise ?

🤔 Pourquoi la question est-elle difficile ?
L’amitié (relation de bienveillance mutuelle active) et la relation professionnelle semblent incompatibles car : d’un côté l'amitié est choisie, affective, agréable, et de l’autre, la relation professionnelle comporte des impératifs, du calcul, du résultat, et on choisit rarement ses collègues. Il existe donc des obstacles et un risque de conflits d’intérêts.
Pourtant :
L’amitié aussi commence rarement par un choix, et comporte des degrés ! En effet, une relation de bienveillance mutuelle peut être fondée sur l’utilité de l’un pour l’autre, le caractère agréable de l’un pour l’autre, ou l’appartenance à une organisation qui sert des objectifs communs. Or l’utilité, l’agrément et l’appartenance de l’autre à une même communauté précèdent le choix de l’amitié.
Un climat amical (on parle plutôt de “convivialité” ou de “bien-être”) est un atout majeur pour que les personnes travaillent bien ensemble, car il repousse la rivalité exacerbée, l’indifférence et la suspicion. Et parce que collaborer sans bienveillance mutuelle est très difficile.
⚡Quels sont les obstacles à l’amitié en entreprise ?
1) Relations trop diffuses dans les grandes entreprises : l’amitié, pour naître et croître, a besoin de temps passé ensemble et d’activités partagées.
2) Trop grandes différences entre les protagonistes : l’amitié se fonde généralement plutôt sur des points communs que sur des différences.
3) Différences hiérarchiques : il est difficile d’être ami lorsque la relation est fondée sur une inégalité et non une égalité, car l’amitié suppose la réciprocité.
🚀 Comment lever ces obstacles ?
☑️ Pour surmonter des relations trop diffuses :
Pour qu’il y ait amitié, il faut qu’il y ait “relation de bienveillance mutuelle qui ne demeure pas inaperçue” (Aristote). Or, dans une grande entreprise, il n’est pas rare que l’on ne connaisse pas ou peu certains membres de la communauté.
Mais connaitre simplement l’appartenance d’un inconnu à une même communauté peut le rendre sympathique, parce qu’elle donne l’information qu’il sert les mêmes objectifs que soi. Cela peut engendrer de la bienveillance mutuelle. C’est ce que l’on appelle la concorde et l’entreprise a tout intérêt à la développer pour favoriser la bonne collaboration entre les différents membres.
💡 Quelques moyens pour l’entreprise de favoriser la concorde :
👉 Communiquer en interne sur le travail des différents équipes, citer les noms des collaborateurs dans la communication pour les mettre à l’honneur.
👉Créer des occasions de rencontre (séminaires, soirées de lancement d’un produit ou service, etc).
☑️ Pour surmonter les différences entre les collaborateurs :
Aristote remarque que l’amitié peut avoir deux causes, opposées entre elles :
🔥L’attraction des semblables :
💬 “Le semblable va à son semblable” (Éthique à Eudème)
En effet, la similarité de goûts, d’opinions, d’âges, de compétences, de profil métier, etc…, facilité l’amitié. Deux personnes qui se ressemblent trouvent leur bien et leur plaisir dans les mêmes choses, et s’unissent plus facilement. Il n’y a pas besoin d’efforts pour intégrer les différences, et le plaisir retiré de la relation est immédiat.
Certes, il y a des circonstances qui peuvent entrainer des conflits quand il y a des similitudes entre les profils des individus. Car si les individus poursuivent des biens similaires mais rares, cela les met en situation de concurrence. Mais à ce moment, la ressemblance n’est cause de conflits que par accident, à cause des circonstances. Par soi , la ressemblance est plutôt ferment d’amitié.
🔥L’attraction des contraires :
💬 “Le contraire est ami du contraire” (Éthique à Eudème)
En effet, la différence peut aussi être cause d’amitié car :
Dans une situation de concurrence, elle peut être rassurante (celui qui n’a pas mon profil ne revendiquera pas les mêmes choses que moi).
La différence peut être cause d’émulation et donc d’attirance, si l’une des personnes possède en puissance ce que l’autre possède en acte. Autrement dit, si chacun peut apporter à l’autre ce qui lui manque. De fait, dans beaucoup de situations, la collaboration entre des individus aux profils différents est certes plus difficile, mais aussi plus fructueuse.
💡 Quelques moyens pour les collaborateurs d’entrer dans ce type de relation :
👉 Se reconnaitre des objectifs et des attachements communs.
👉 Transmettre volontiers ce que l’autre n’a pas.
💡 Quelques moyens pour l’entreprise de favoriser ce type de relations :
👉Transmettre une vision commune de l’activité de l’entreprise et de ses valeurs, partager une culture d’entreprise.
👉Promouvoir l’utilisation de l’intelligence collective : organiser des réunions et répartir les tâches de façon à faire coopérer les profils aux diverses compétences, pour faire fructifier leur complémentarité en vue d’objectifs communs.
☑️ Pour surmonter les différences hiérarchiques :
Les différences hiérarchiques rendent difficile la réciprocité, car il n’y a pas d’égalité. Si l’ami n’est pas en capacité de rendre le bien donné par l’ami, il risque de passer de bénéficiaire à débiteur. À cause de cela, le don d’un supérieur hiérarchique peut devenir un moyen de manifester son pouvoir, ou une stratégie de conquête, bref un moyen de s'imposer plutôt que d’échanger.
Est-il alors possible qu’il y ait une forme d’amitié dans une organisation fondée sur des relations hiérarchiques ?
Si cette amitié existe, elle consistera dans une réciprocité fondée sur la justice distributive (pas d’égalité dans les échanges, chacun donne et reçoit selon ce qu’il peut et selon ce que son don représente pour lui), et non sur la justice commutative (égalité stricte dans les échanges). L’amitié est moindre car l’attachement est alors proportionnel.
Voici néanmoins quelques moyens inspirés d’Aristote pour entretenir une relation amicale :
💡 Quelques moyens pour le chef d’entretenir une relation amicale dans les limites de la relation hiérarchique :
👉 Reconnaitre et récompenser le travail bien fait.
👉 Faire honneur aux compétences : confier des missions adaptées.
👉 Faire honneur à l’intelligence : tenir compte des conseils apportés.
👉 Faire honneur à la liberté : laisser le choix des moyens avec une latitude raisonnable (éviter de micro-manager).
👉 Soutenir l’action : apporter de l’aide quand c’est nécessaire.
💡 Quelques moyens pour le bénéficiaire de montrer une réciprocité :
👉 Manifester de la reconnaissance, la reconnaissance étant un aveu exprimant à la fois l’incapacité de rendre, et la volonté de remercier.👉 Faire honneur à ce qui est donné par un travail de qualité, mais aussi par une liberté de ton pour conseiller.
👉 Saisir les occasions d’être force de proposition.
💡Un dernier conseil d’Aristote pour favoriser de bonnes relations en entreprise :
Il ne peut y avoir de saine amitié sans estime de soi. En effet, comme le dit Aristote :
💬“L’homme de bien est avec son ami dans une relation semblable à celle qu’il entretient avec lui-même, car l’ami est un autre soi-même.” (Éthique à Nicomaque).
💬"L'homme de bien sera suprêmement égoïste, quoique d’un autre type que celui auquel nous réservons notre réprobation.” (Éthique à Nicomaque).
Ce qu’il veut dire, c’est qu’il est utile de chercher un juste milieu : un amour de soi insuffisant mène à un altruisme sacrificiel (burn-out) et à l’absence d'estime de soi. À l’inverse, un amour de soi trop important donne un ego démesuré et génère des relations d’emprises.
💡 Quelques moyens pour favoriser le développement d’une bonne estime de soi pour chacun des collaborateurs :
👉 Mettre en place une communication claire, bienveillante et vraie.
👉 Reconnaître le travail bien fait.
👉 Accompagner le développement des compétences.
👉 Assurer à chacun une compréhension claire de sa place dans l’organisation de l’activité de l’entreprise.
👉 Soigner la Qualité de Vie au Travail.
Bref, tous ce que nous confirment les études sur les raisons de la demande croissance de sens au travail (préoccupation pour 92% des actif selon une enquête Audencia de 2022).

![Randonneurs en montagne. Auvergne. Philotrek. 🤯 Selon une récente étude Gallup, seulement 7% des français se déclarent “engagés” dans leur travail. 💡Une autre étude réalisée par l’Université Paris Dauphine et l’Observatoire de l’Engagement montre que ce chiffre décourageant est à nuancer, et qu’il existe des raisons d’espérer pouvoir agir pour améliorer la situation. [...] Dans cet article, nous ouvrons quelques pistes d’action à partir de la notion de responsabilité.](https://static.wixstatic.com/media/96128f_6a8bf19db1d14e23b1951fb66f7031f8~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_653,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/96128f_6a8bf19db1d14e23b1951fb66f7031f8~mv2.jpg)

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